Les CFF ont annoncé aujourd’hui qu’ils renonceront, dans le cadre du nouveau système de mesure de la fréquence des client·e·s prévu, à classer les personnes dans des catégories (protégées entre autres par le droit de la discrimination) sur la base de leurs données biométriques et à utiliser cette méthode à des fins commerciales. L’appel d’offres initial sera révisé à cet effet. Les CFF réagissent ainsi à la pression de la société civile. Dans une lettre ouverte déjà plus de 16’000 personnes exigent l’abandon de la catégorisation et de la surveillance biométriques. Les deux organisations à l’origine de la lettre, AlgorithmWatch CH et la Société numérique, saluent l’annonce des CFF, tout en soulignant qu’elles souhaitent maintenir la pression et continuer à surveiller de près les CFF afin qu’ils n’utilisent pas à l’avenir de méthodes de surveillance qui ne sont pas compatibles avec les droits fondamentaux.
Lors d’une conférence de presse des CFF qui s’est tenue ce matin, le CEO Vincent Ducrot s’est exprimé sur le nouveau système de mesure de la fréquence des client·e·s des CFF et a annoncé que les CFF renonceront à catégoriser les personnes selon leur taille, leur âge et leur sexe. Au lieu de cela, ils se limiteront, selon le communiqué d’aujourd’hui, à enregistrer les mouvements des voyageuses et voyageurs ainsi que les flux de personnes. L’appel d’offres sera adapté en conséquence. Le nouveau système de mesure ne devrait être utilisé qu’à partir de début 2025 – au lieu de l’automne 2023 comme prévu jusqu’à présent.
AlgorithmWatch CH et la Société numérique, qui ont lancé ensemble la lettre ouverte, saluent l’annonce des CFF. « La pression publique exercée par plus de 16’000 personnes a porté ses fruits. Grâce à l’opposition de la société civile, nous avons pu faire changer d’avis les CFF sur un aspect central », estime Erik Schönenberger, directeur de la Société numérique. Les organisations considèrent que le fait que les CFF souhaitent renoncer à la catégorisation biométrique des voyageuses et voyageurs est un grand succès partiel de leur campagne et une victoire pour le respect des droits fondamentaux.
Une énorme opposition s’est manifestée ces dernières semaines contre le nouveau système de mesure de la fréquence des client·e·s prévu par les CFF et rendu public par le magazine K-Tipp à la mi-février. Les CFF avaient l’intention d’enregistrer les mouvements des voyageuses et voyageurs ainsi que leurs caractéristiques biométriques telles que la taille, l’âge et le sexe dans plus de 50 gares à partir de l’automne 2023, notamment à des fins commerciales.
Les deux organisations de la société civile AlgorithmWatch CH et la Société numérique ont lancé, en collaboration avec d’autres organisations, une lettre ouverte dans laquelle elles demandaient aux CFF 1) de faire toute la lumière sur l’appel d’offres, 2) de ne pas installer d’infrastructure d’identification, de suivi ou de catégorisation biométriquedans les gares et 3) de renoncer à toute collecte et de tout traitement de données dans l’espace public qui ne soit pas conforme à nos droits fondamentaux. Plus de 16’000 personnes ont signé la lettre ouverte aux CFF au cours des dernières semaines, exprimant ainsi leur malaise face au projet de surveillance de masse dans les gares suisses.
La prudence reste de mise
Néanmoins, l’annonce faite aujourd’hui par les CFF doit être prise avec précaution. Il s’agit d’abord d’examiner précisément quelles adaptations seront effectivement apportées à l’appel d’offres. Les deux organisations demandent aux CFF d’informer la population de manière transparente sur leurs projets. Ainsi, il n’est toujours pas clair sous quelle forme les flux de personnes seront mesurés et si cela permettra toujours de suivre des personnes individuelles (même de manière anonyme).
« Nous continuerons à suivre de près le projet des CFF afin qu’il n’y ait pas d’utilisation de systèmes de surveillance biométrique », souligne Angela Müller, directrice d’AlgorithmWatch CH. Selon Angela Müller, une telle surveillance biométrique dans un lieu accessible au public n’est pas compatible avec les droits fondamentaux : « Non seulement elle viole la sphère privée, mais elle peut aussi dissuader les personnes d’exercer d’autres droits fondamentaux essentiels comme la liberté de réunion et d’expression – et elle peut avoir des effets discriminatoires ».
Les organisations de la société civile continueront donc d’observer le processus d’acquisition. En effet, il faut attendre la décision d’achat du système de mesure de la fréquence des client·e·s pour savoir si le danger d’une surveillance biométrique de masse est écarté. Pour cette raison, AlgorithmWatch CH et la Société numérique continueront à récolter des signatures pour leur lettre ouverte jusqu’au 22 mars et la remettront ensuite aux CFF. Elles veulent ainsi maintenir la pression de la société civile et s’assurer que les CFF n’installent pas d’infrastructure de surveillance biométrique dans les gares suisses.